Juillet 1898
N° 132
Séance du 1er Juillet 1898
L'Amiral français étant devenu le doyen des Amiraux, il a été décidé que le commandement Supérieur de la zone internationale de La Canée et les services qui en dépendent, reviendraient aux Français.
Toutefois, le code italien ayant toujours été employé dès le début, les Amiraux décident qu'il sera toujours conservé, comme code du Tribunal international de La Canée.
Le changement de commandement Supérieur à La Canée, fait d'accord entre les Amiraux français et italien, n'implique pas, pour l’avenir, l'obligation de changer le commandement international, chaque fois que le doyen viendrait à changer
À bord de « l'Alexandre II », à La Canée, le 1er Juillet 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Pipon
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral Edouard Pottier devient le Président du Conseil des Amiraux

5 Juillet 1898
Lettre adressée par le Contre-Amiral Pottier, Doyen des Amiraux en Crète, à Monsieur le Consul Général de France à La Canée
La Canée, le 5 Juillet 1898.
Monsieur le Consul Général,
Dans leur séance de ce matin, les Amiraux ont pris connaissance de la note de Messieurs les Consuls au sujet de l'établissement du Gouvernement provisoire de l'intérieur de l’île, prescrit par les instructions de leurs Gouvernements.
Ils ont donné leur approbation complète aux termes de cette note, sauf cependant en ce qui concerne la justice ; l'intention bien formelle des Amiraux est de ne laisser aux tribunaux crétois que la répression des délits, et de déférer celle des crimes au tribunal militaire qui existe ou qui va être créé dans chaque secteur.
En conséquence, les Amiraux m’ont délégué pour mettre, le plus tôt possible, les quatre Consuls en rapport avec les délégués de l'Assemblée crétoise.
Je vous serais donc fort obligé de me faire savoir à quel moment je pourrai trouver, réunis au Consulat de France, ou dans tout autre Consulat, les Consuls et les délégués de l'Assemblée crétoise, afin de faire connaître à ces derniers, les intentions de nos Gouvernements, et de les informer que les Amiraux ont délégué les Consuls pour établir avec eux un projet d'administration de l’intérieur de l’île.
Veuillez agréer, Monsieur le Consul Général, les assurances de ma haute considération.
Signé Pottier
Nota
Postérieurement à l'envoi de cette lettre, les Amiraux ont décidé qu'ils assisteraient tous à cette réunion.
N° 133
Séance du 7 Juillet 1898
Dans leur séance de ce jour, les Amiraux, en présence des Consuls des quatre Puissances, ont communiqué aux membres du Bureau permanent de l'Assemblée crétoise, composé de Messieurs Sphakianakis, Venizelos, Foumis, Boulgaris, les instructions de leurs Gouvernements relatives à la création d'un Comité Exécutif, à qui serait confiée la mission d'établir un Gouvernement provisoire dans l'intérieur de l'île.
L'Amiral, doyen des Amiraux, a écrit au nom de ses collègues au Gouverneur Général intérimaire pour l'informer des décisions des Puissances.
Au Consulat de France, à Halepa, le 7 Juillet 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
7 Juillet 1898
Lettre adressée par Monsieur le Contre-Amiral Pottier, Doyen des Amiraux, à Monsieur le Gouverneur Général de l'île de Crète.
La Canée, le 7 Juillet 1898.
Monsieur le Gouverneur Général,
Les Amiraux, agissant en vertu des instructions de leurs Gouvernements, ont notifié aujourd'hui au Bureau de l'Assemblée crétoise la décision des Puissances de confier à un Comité exécutif, nommé par cette Assemblée et qui doit se tenir en contact permanent avec les Amiraux, la mission d'administrer les parties de l'île obéissant actuellement à l'Assemblée crétoise.
Ils ont chargé, en outre, les Consuls d'élaborer de concert avec le Comité exécutif un projet d'administration provisoire qui sera soumis à la sanction du Conseil des Amiraux.
En vertu des mêmes instructions, les Amiraux exerceront leur autorité dans les régions occupées par les troupes internationales.
J'ai l'honneur de porter ces faits à votre connaissance pour votre information.
Veuillez agréer, Monsieur le Gouverneur Général, les assurances de ma haute considération.
Signé Pottier
N° 134
Séance du 11 Juillet 1898
L'Amiral français donne connaissance de l'ordre par lequel il forme dans le Secteur français, une Commission militaire de police, conformément à la décision des Amiraux prise dans la séance du 10 Mai.
L’Amiral français communique à ses collègues, une dépêche de l'Ambassadeur de France à Constantinople, l’avisant que les quatre Gouvernements ont approuvé le prélèvement demandé sur la surtaxe douanière, pour les employés de la Gendarmerie ottomane, dans les Secteurs français, russe et italien.
À bord de « l'Amiral Charner », à La Canée , le 11 Juillet 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
N° 135
Séance du 18 Juillet 1898
Les Amiraux ont décidé de rectifier les limites des Secteurs précédemment adoptés, et de les mettre d'accord avec les divisions administratives de l’île, conformément à la carte ci-jointe.

Au sujet du navire turc ayant à son bord 50 soldats ottomans et mouillé en rade de La Sude, les Amiraux prennent les décisions suivantes :
Le navire en question devra être parti le 19 Juillet avant midi, sinon on lui interdira toute communication avec la terre pour quelque motif que ce soit.
Ils décident, en outre, que s'il arrive des navires ayant des troupes ottomanes à bord, en un point quelconque de la Crète, on leur donnera l'ordre de repartir au bout de trois heures, et s'ils ne sont pas partis dans le délai fixé, on leur interdira toute communication avec la terre.
De plus, en présence des tentatives constantes de débarquement de troupes turques dans l'île, les Amiraux décident qu’ils ne toléreront plus aucun mouvement de troupes ottomanes, soit de l'extérieur en Crète, soit dans l'intérieur de l’île, pour quelque motif que ce soit, changement de garnison, déplacement des troupes, rentrée de congé, etc.
Le Commandant de Froissard-Broissia, rentré de permission, reprend la Présidence de la Commission militaire internationale.
À partir du 15 Août, une seule nation occupera les postes de l'entrée de la rade de La Sude. La durée de séjour sera d'un mois. Le poste principal sera le fort Izzedin d'où ils sera détaché quelques hommes pour le blockhouse et 10 hommes pour l'îlot de La Sude.
Le pavillon de la nation occupante sera seul hissé sur les trois postes.
L'Amiral italien informe ses collègues qu'il a reçu l'ordre de renvoyer en Italie la batterie de montagne. Les Amiraux ne voient aucun inconvénient à l'éloignement de cette batterie qui stationne dans le Secteur occupé par les troupes internationales, mais ils expriment le désir, qu'en raison de l'agglomération musulmane de Rethymno, la batterie russe soit maintenue en ce point jusqu'au retrait des troupes turques.
À bord du « Morosini », à La Canée, le 18 Juillet 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
N° 136
Séance du 25 Juillet 1898
Procès-verbal et 4 Annexes
Messieurs les Consuls des quatre Puissances représentées en Crète, assistent à la séance.
Leur doyen donne lecture d'un mémoire contenant les réserves faites par l’Assemblée crétoise, au sujet du projet de l'établissement d'un Gouvernement provisoire dans l’intérieur de l’île, et des modifications qu'elle propose d’introduire aux bases de ce Gouvernement.
Au début de ce mémoire (Annexe N° 1), les Amiraux relèvent la phrase suivante qu’ils auraient prononcée au bureau permanent de l'Assemblée crétoise :
Que les Amiraux sont fermement convaincus que, sans le retrait des troupes turques, rien de définitif ne peut être établi en Crète ; qu'à la fin elles seront retirées et que tous les efforts des Puissances tendent vers ce but.
La première partie de cette phrase est en effet très exacte ; quant à la seconde partie : à savoir qu'à la fin elles seront retirées et que tous les efforts des Puissances tendent vers ce but, Les Amiraux font enregistrer au procès-verbal qu’ils n’ont pas fait cette déclaration, mais qu'ils ont simplement dit avoir demandé à leurs Gouvernements le retrait des troupes turques.
Lecture est ensuite donnée du texte du Mémoire des Amiraux relatif à l'établissement du Gouvernement provisoire, des modifications proposées par l'Assemblée crétoise, du résumé des raisons qui ont conduit cette Assemblée à proposer ces modifications (Annexe N° 2) et enfin des observations des Consuls (Annexe N° 3).
Après lecture et discussion de ces documents, les Amiraux ont arrêté ainsi qu’il suit, le texte des dernières dispositions prises par eux (Annexe N° 4), décisions qui seront communiquées à l'Assemblée par l'intermédiaire des Consuls.
La Gendarmerie internationale devant être commandée par un officier européen, les Amiraux expriment le désir que le capitaine Craveri, commandant les Carabiniers italiens et qui va être remplacé prochainement par un officier de Gendarmerie français, reste en Crète à leur disposition pour être chargé de l’organisation du commandement de cette Gendarmerie.
Saisis par le commandant militaire à Candie, de la question d’exportation d'objets en cuivre, les Amiraux décident de laisser le Commandant anglais agir suivant son appréciation.
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne, rend compte que le bataillon de Highlanders venu pour remplacer les fusiliers Welches, n'a qu'un effectif de 700 hommes, inférieur de 300 à celui du bataillon précédent et qu’il ne peut faire face aux exigences du service international : gardes, rondes, garnison du fort d’Izzedin, etc…
Les Amiraux le prient de demander à son Gouvernement à ce que l'effectif du nouveau bataillon soit porté aux mêmes chiffres que celui du bataillon qu'il remplace.
Les Amiraux décident que, lorsqu'ils auront repris le mouillage de La Sude, un navire de la flotte internationale restera en permanence devant La Canée. Le service commencera par un navire français et la durée de la station sera de 15 jours.
À bord de « l'Amiral Charner », La Sude, le 25 juillet 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Mémoire remis aux délégués de l’Assemblée crétoise, par les Amiraux, en présence des Consuls des quatre Puissances
Si la question du futur Gouvernement de l'île de Crète n’est pas encore définitivement réglée, les Puissances ne sauraient pour ce motif, perdre de vue le but principal qu'elles poursuivent, ni rester indifférentes aux souffrances des Crétois.
Aussi leur paraît-il désirable de voir établir dans l’île un régime même provisoire qui offrît des garanties d'ordre et de tranquillité.
Elles ont, en conséquence, décidé la création d'un Comité Exécutif qui serait nommé par l'Assemblée crétoise, et à qui serait confiée la mission d'administrer les parties de l'île obéissant actuellement à l’Assemblée crétoise tandis que les Amiraux exerceraient leur autorité dans les régions occupées par les troupes européennes. Le caractère de ce Comité sera provisoire ; il se tiendra en contact permanent avec les Amiraux, et sera immédiatement révocable par ceux-ci dans le cas où il sortirait de son mandat.
En outre, les Gouvernements de France, de la Grande-Bretagne, d’Italie et de Russie se préoccupent d'arriver à la constitution d'un syndicat international de banquiers des quatre pays, qui feraient les avances nécessaires et, comme garantie, seraient autorisés à percevoir tout ou partie de la surtaxe douanière du 3 %.
Chargés par leurs Gouvernements de notifier cette décision des Puissances à l’Assemblée crétoise et d'en assurer l’application, les Amiraux m'ont confié le soin de lire cette communication au Bureau permanent de l'Assemblée et de l'informer qu'ils ont délégué les Consuls pour établir avec le Comité Exécutif un projet d'administration provisoire sur les bases suivantes :
1° Le mode d'élection du Conseil exécutif provisoire, le nombre de députés
Le Conseil exécutif devra être élu par l’Assemblée crétoise qui sera convoquée après la notification qui sera faite au bureau permanent de l’Assemblée des décisions prises par les Puissances.
Les membres du Comité Exécutif devraient être au nombre de six dont le Président de l'Assemblée, Président de droit du Comité Exécutif et cinq membres, un par Province. Le Président, en cas de partage des voix, aurait voix prépondérante.
2° Les principes qui devront servir de base au fonctionnement de ce Gouvernement provisoire
Le Comité Exécutif semblerait au premier abord, ne devoir être chargé que d'administrer les parties de l'île obéissant actuellement à l'Assemblée crétoise. Mais comme il n'existe presque plus rien dans le pays, en fait d’administration, et qu'il résulte des instructions adressées aux Amiraux que le désir des quatre Puissances est d’établir un régime même provisoire, offrant des garanties d'ordre et de tranquillité, il est absolument nécessaire de jeter, tout au moins, les bases d'un règlement qui servira à l'administration provisoire de l’île.
Pour l'établissement de ce règlement il serait, d’après nous, opportun d'accorder au Comité Exécutif un certain droit d'initiative et de lui confier le soin de faire certaines propositions tendant à l'établissement de ce régime provisoire.
Les projets élaborés par ce Comité devraient être soumis à l'examen des Consuls qui recevraient des Amiraux le mandat d'en discuter les termes avec le Comité Exécutif et d'y apporter les modifications qu’ils jugeraient nécessaires.
Ce règlement, une fois achevé, serait soumis à la sanction des Amiraux et rendu, par une ordonnance, applicable dans toutes les parties de l’île obéissant actuellement à l’Assemblée crétoise.
Les projets que devrait préparer le Comité Exécutif concerneraient exclusivement les points suivants :
Administration
Dans chacun des quatre Secteurs internationaux, le Comité Exécutif sera représenté par un Administrateur Général.
Dans chacun des 20 districts il y aura un Administrateur qui relèvera de l'Administrateur Général du Secteur.
Ces fonctionnaires seront nommés par le Conseil des Amiraux sur la proposition du Comité Exécutif.
La nature des rapports qui devront exister entre l'Administrateur Général et le Commandant Supérieur du Secteur sera réglée par les Amiraux.
Justice
Création dans l'intérieur de tribunaux de paix civils et correctionnels qui seront, autant que possible, constitués conformément aux règles établies dans le règlement du 15/27 Janvier 1897. Ils jugeront d’après la loi crétoise.
La connaissance des affaires criminelles est exclusivement réservée au tribunal militaire du Secteur.
Gendarmerie
Création d'une Gendarmerie provisoire, en partie indigène, en partie européenne, limitée au nombre strictement nécessaire, placée sous le commandement d'officiers étrangers et l'autorité supérieure du Commandant du Secteur.
Budget
Établissement d'un budget provisoire indiquant le montant des sommes nécessaires pour assurer le fonctionnement de l'administration provisoire et indiquant le mode de perception des taxes sous la surveillance et avec le concours de la Gendarmerie.
Contrôle
Un contrôle fait au nom des quatre Puissances sera établi sur les opérations aussi bien de recettes que de dépenses.
En accordant à l'Assemblée crétoise représentée par le Comité Exécutif élu par elle, un droit d'initiative pour la présentation des projets relatifs à l'administration provisoire de l’île, les Amiraux ont voulu donner à cette Assemblée une preuve de confiance que celle-ci tiendra à cœur de justifier.
De son côté, la population de l'île comprendra que le pays vient de franchir une étape considérable et, en maintenant l’ordre et la tranquillité dans l’intérieur, elle cherchera, nous en sommes convaincus, à se montrer digne de l'intérêt que lui témoignent les Puissances.
Annexe N° 1 au Procès-Verbal N° 136
Réserves faites par l'Assemblée crétoise au sujet du projet de l'établissement d'un Gouvernement provisoire dans l'intérieur de l’île
Modifications qu'elle propose d'introduire aux bases de ce Gouvernement
Dans sa séance du 7/19 courant, l'Assemblée a voté l’adoption en principe du régime provisoire, par déférence envers les Puissances, qui en ont proposé l’organisation.
Toutefois, l'Assemblée croit devoir exprimer son opinion que ce régime a peu de chances de succès et, probablement, ne fera que prolonger les souffrances des Crétois, souffrances qui ont excité la compassion des quatre Puissances.
Le caractère provisoire de ce régime, la multiplicité des autorités qu’il institue, ou qu’il laisse subsister, autorités en parties hostiles les unes aux autres, en partie mal définies, la séparation de l'intérieur du pays de ses centres commerciaux, industriels et économiques, la question véritablement vitale des 60.000 réfugiés, ne pouvant entrevoir le terme de leur souffrance, enfin, et surtout, le retrait des troupes des autorités ottomanes, retrait toujours attendu et toujours différé.
Voilà des causes plus que suffisantes pour paralyser les efforts les mieux intentionnés, et faire échouer les tentatives les plus sincères.
Aussi, tout en s'offrant à faire un essai loyal et complet du régime provisoire proposé, l'Assemblée croit devoir déclarer hautement que le seul moyen de sortir de cette situation, qui finira par ruiner complètement ce malheureux pays, c'est de faire retirer les troupes et les autorités ottomanes
Du moment que les grandes Puissances, en proclamant l'autonomie de l’île, ont formellement aboli tout droit d’immixtion de la Porte dans les affaires intérieures du pays, les troupes et les autorités ottomanes ne sauraient y avoir aucune place.
C'est pourquoi l'Assemblée a pris note des déclarations faites par Messieurs les Amiraux à son Bureau permanent, au moment de la communication à celui-ci du projet du régime provisoire, à savoir :
Que les Amiraux sont fermement convaincus que, sans le retrait des troupes turques, rien de définitif ne peut être établi en Crète ; qu'à la fin elles seront retirées, et que tous les efforts des Puissances tendent vers ce but.
En attendant, nous déclarons de la façon la plus solennelle, qu'en raison des sacrifices que le pays a dû supporter, des ruines qui ont été accumulées, de la participation que les troupes ottomanes ont prise à tous les désordres, en prenant uniquement parti pour un des deux éléments de la population, en se rendant l'instrument aveugle des ordres d'un Gouvernement qui a toujours voulu empêcher l'application de toute réforme en Crète, et a préféré y semer la ruine et la désolation, il nous sera complètement impossible de laisser les Musulmans rentrer dans leurs villages, tout autant que les troupes turques continueront à séjourner dans l’île.
Comme d’un autre côté, les Musulmans persistent à garder une attitude hostile à tout régime qui ne s'appuie pas sur des troupes turques, les Chrétiens, tout en déplorant la nécessité de cette mesure, ne sauraient admettre au milieu d'eux des éléments disposés à agir de concert avec les autorités militaires ottomanes et, sous leur inspiration, recommencer de nouveaux désordres.
Il va sans dire, qu'une fois les troupes et les autorités turques retirées, les Chrétiens seraient heureux de recevoir les Musulmans dans leurs villages, de faciliter leur installation, de leur assurer toutes les garanties possibles au point de vue de de la sécurité de leurs personnes et de la jouissance de leurs biens, et de leur accorder la part qui leur revient dans l'administration du pays.
Sous ces réserves, l'Assemblée est prête à procéder à l'élection du Comité Exécutif, qui discuterait avec Messieurs les Consuls les détails de l'organisation du régime provisoire, dans les bases duquel elle croit nécessaire de proposer l'introduction des modifications suivantes :
1° Le mode d'élection du conseil exécutif provisoire, le nombre de députés
Le conseil exécutif devra être élu par l’Assemblée crétoise qui sera convoquée après la notification qui sera faite au Bureau permanent de l’Assemblée des décisions prises par les Puissances.
Les membres du Comité Exécutif devraient être au nombre de six dont le Président de l'Assemblée, Président de droit du Comité Exécutif et cinq membres, un par Province. Le Président, en cas de partage des voix, aurait voix prépondérante.
Modifications proposées :
En cas de révocation par les Amiraux, ou de démission de la totalité, ou de la majorité des membres du Comité Exécutif, le Président doit convoquer l'Assemblée dans un délai de 20 jours, afin qu'elle procède à l'élection d'un nouveau Comité Exécutif ; dans l'intervalle, le Président continuera à gérer les affaires.
Le Président aura également le droit de convoquer l'Assemblée chaque fois que les Amiraux le demanderaient, ou que lui-même le jugerait nécessaire.
Pour chaque membre du Comité Exécutif il y aura un suppléant élu par l'Assemblée en même temps que les membres ordinaires. Le suppléant remplacera le membre ordinaire en cas de mort, de démission, ou d'une absence prolongée, non justifiée ou non autorisée.
2° Les principes qui devront servir de base au fonctionnement de ce Gouvernement provisoire
Le Comité Exécutif semblerait au premier abord, ne devoir être chargé que d'administrer les parties de l'île obéissant actuellement à l'Assemblée crétoise. Mais comme il n'existe presque plus rien dans le pays, en fait d’administration, et qu'il résulte des instructions adressées aux Amiraux que le désir des quatre Puissances est d’établir un régime même provisoire, offrant des garanties d'ordre et de tranquillité, il est absolument nécessaire de jeter, tout au moins, les bases d'un règlement qui servira à l'administration provisoire de l’île.
Pour l'établissement de ce règlement il serait, d’après nous, opportun d'accorder au Comité Exécutif un certain droit d'initiative et de lui confier le soin de faire certaines propositions tendant à l'établissement de ce régime provisoire.
Les projets élaborés par ce Comité devraient être soumis à l'examen des Consuls qui recevraient des Amiraux le mandat d'en discuter les termes avec le Comité Exécutif et d'y apporter les modifications qu’ils jugeraient nécessaires.
Ce règlement, une fois achevé, serait soumis à la sanction des Amiraux et rendu, par une ordonnance, applicable dans toutes les parties de l’île obéissant actuellement à l’Assemblée crétoise.
Les projets que devrait préparer le Comité Exécutif concerneraient exclusivement les points suivants :
Modifications proposées :
Le Comité Exécutif aurait également le pouvoir d’élaborer, en raison des besoins locaux, des lois et règlements provisoires. Ces lois, ainsi que le règlement du régime provisoire, seraient soumis à l'examen des Consuls et à l’approbation des Amiraux, et rendus exécutoires par ordonnance du Président de l’Assemblée, dans toutes les parties de l'île obéissant actuellement à l'Assemblée crétoise.
Administration
Dans chacun des quatre Secteurs internationaux le Comité Exécutif sera représenté par un Administrateur Général.
Dans chacun des 20 districts il y aura un Administrateur qui relèvera de l'Administrateur Général du Secteur.
Ces fonctionnaires seront nommés par le Conseil des Amiraux sur la proposition du Comité Exécutif.
La nature des rapports qui devront exister entre l'Administrateur Général et le Commandant Supérieur du Secteur sera réglée par les Amiraux.
Modifications proposées :
L'Administrateur Général sera nommé par le Conseil des Amiraux sur la proposition du Comité Exécutif.
L'Administrateur Général relèvera du Comité Exécutif. Il devra tenir au courant le Commandant Supérieur du Secteur, de ce qui se passe dans l’intérieur de sa Province et aura le droit de recourir à lui dans les cas intéressants l'ordre et la tranquillité publique.
En cas de désaccord, le Commandant Supérieur en référerait au Conseil des Amiraux, et l'Administrateur Général au Comité Exécutif.
Justice
Création dans l'intérieur de tribunaux de paix civils et correctionnels qui seront, autant que possible, constitués conformément aux règles établies dans le règlement du 15/27 Janvier 1897. Ils jugeront d’après la loi crétoise.
La connaissance des affaires criminelles est exclusivement réservée au tribunal militaire du Secteur.
Modifications proposées :
Création, dans l’intérieur, de tribunaux de paix, de tribunaux de première instance, d'une Cour d'appel pour les affaires civiles et d'une Cour d'assises pour les affaires criminelles, constitués, autant que possible, conformément aux règles établies dans le projet de règlement du 15/27 Janvier 1897.
Les arrêts de la Cour d'assises sont, de droit, soumis à la révision du tribunal militaire international de La Canée, qui pourrait casser l'arrêt ou modifier la peine.
L’exercice du droit de grâce est réservé au Conseil des Amiraux.
La connaissance des crimes et délits, commis contre les officiers, soldats et gendarmes du corps de l’occupation internationale, est de la compétence exclusive du tribunal militaire international de La Canée.
Gendarmerie
Création d'une Gendarmerie provisoire, en partie indigène, en partie européenne, limitée au nombre strictement nécessaire, placée sous le commandement d'officiers étrangers et l'autorité supérieure du Commandant du Secteur.
Modifications proposées :
Création d'une Gendarmerie dans laquelle peuvent être incorporés des éléments étrangers, en raison des besoins du service.
Le Commandant Supérieur, le Commandant de la Gendarmerie du Secteur et les Capitaines seront des officiers étrangers.
Pour ne pas perdre du temps, l’organisation de la Gendarmerie pourrait commencer simultanément dans chaque Secteur, en attendant la nomination du Commandant Supérieur.
La Gendarmerie sera sous la dépendance, et à la disposition permanente des autorités civiles et judiciaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Mais au point de vue de la discipline, de l'instruction et de l'administration intérieure, elle sera sous les ordres directs de son chef.
Budget
Établissement d'un budget provisoire indiquant le montant des sommes nécessaires pour assurer le fonctionnement de l'administration provisoire et indiquant le mode de perception des taxes sous la surveillance et avec le concours de la Gendarmerie.
Modifications proposées :
L'anomalie actuelle dans la perception et l'emploi des impôts par l'administration ottomane serait écartée, tout en conservant le système de perception actuel qui ne pourrait être modifié, sans préjudice d'intérêts multiples.
Contrôle
Un contrôle fait au nom des quatre Puissances sera établi sur les opérations aussi bien des recettes que des dépenses.
Placourès, 11/23 Juillet 1898
Annexe N° 2 au Procès-Verbal N° 136
Résumé des observations présentées par le Président de l'Assemblée crétoise pour appuyer la demande de modifications à apporter aux bases projetées du régime d'administration provisoire.
1° L'Assemblée, en raison des difficultés matérielles que comporte la réunion de ses membres, tant au point des dépenses que de l'éloignement et des difficultés des communications, demande la nomination de conseillers suppléants.
2° Il a paru nécessaire à l’Assemblée de préciser que l'ordonnance d'exécution serait signée par le Président de l'Assemblée afin de permettre au pays de se rendre bien compte que les lois et règlements auxquels il doit se soumettre, émanent de la représentation du pays.
3° Comme le Comité Exécutif est responsable envers le Conseil des Amiraux, il est nécessaire que les Administrateurs Généraux soient seulement responsables envers le Comité Exécutif.
Néanmoins, comme les Amiraux ont dans chaque Secteur, un Commandant Supérieur et qu'il serait impossible d'administrer régulièrement s'il devait y avoir deux pouvoirs administratifs, l'Assemblée pense que les rapports qui doivent exister entre l'Administrateur Général et le Commandant du Secteur doivent consister dans l'obligation imposée au premier de tenir constamment le Commandant du Secteur au courant de ce qui se passe dans la Province, et dans le droit de réclamer son concours dans les cas intéressants le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique.
L'Assemblée exprime le désir qu’en pareille occurrence, le Commandant du Secteur prête à l'Administration Générale aide et assistance effective.
4° L'Assemblée demande la création d'une Cour d’assises. Elle appuie cette demande des considérations suivantes :
La multiplicité des tribunaux internationaux entraîne la diversité des codes appliqués, qui ne sont pas concordants dans les peines édictées. La qualification même de l'acte incriminé comme crime ou délit, n'est pas la même dans chaque code.
Les codes européens qualifient de simples délits des actes qui, d'après le code crétois, sont considérés comme des crimes.
Par exemple, dans le cas assez fréquent d'enlèvement de filles, la commission militaire ne pourrait en connaître puisque le fait est qualifié de délit par les codes européens et qu'elle n'aurait que la connaissance des affaires criminelles ; d'autre part, les tribunaux correctionnels crétois ne pourraient être saisis de l’instance puisqu’ils n'auraient pas la connaissance des actions criminelles, et que ce fait est qualifié crime par le code crétois.
En présence de cette diversité des codes européens, aussi bien dans la qualification des faits que dans l'application des peines, la population crétoise, qui ne saurait en comprendre les causes, serait portée à ne pas avoir la confiance voulue dans la distribution de la justice, ce qui pourrait en entraver la marche.
D'autre part, au point de vue des principes généraux du droit, il n'est pas admissible, au moment surtout où l'on va créer une organisation judiciaire régulière, de soumettre une population aux dispositions de lois qu’elle ne connaît même pas, et qu'elle n'est pas en état de connaître.
En reconnaissant à la Commission militaire de La Canée, qui, dans ce cas, devrait appliquer la loi crétoise, le droit de casser les arrêts et même de modifier la peine, on lui reconnaît un droit supérieur à celui que pourrait exercer une Cour de Cassation.
En réservant d'autre part au Conseil des Amiraux l'exercice du droit de grâce, l'Assemblée espère que toutes les garanties désirables sont acquises au bon fonctionnement de la justice criminelle.
5° L'Assemblée demande qu'en attendant la décision qui sera prise par les Puissances concernant les douanes, toutes les taxes payées par la population de l'intérieur soient affectées au service de la nouvelle administration provisoire.
La Canée, 24 Juillet 1898
Annexe N° 3 au Procès-Verbal N° 136
Note des Consuls
Dans les instructions adressées aux Amiraux par les Gouvernements des quatre Puissances il est spécifié que : Les Puissances considèrent comme indispensable qu'on procède de suite à l'application dans l'île des principes élaborés, l'année dernière, par les représentants des Puissances à Constantinople.
Or, le premier des articles du projet dit que : L’île de Crète ayant été déclarée neutre, jouira d'un Gouvernement autonome, tout en continuant à faire partie de l'Empire Ottoman.
Les Consuls estiment donc que, dans la discussion du règlement provisoire, il leur faut tenir compte avant tout de la décision des Puissances de constituer dans le pays un régime administratif absolument autonome.
C'est dans cet ordre d'idées qu'ils croient devoir recommander au Conseil des Amiraux l’acceptation des modifications proposées dans le Mémoire remis aux Consuls, et adressé par le Président de l’Assemblée à Messieurs les Amiraux, et proposer eux-mêmes certains changements dont l'opportunité ne saurait échapper.
1° En premier lieu, les Consuls estiment que la nomination de conseillers suppléants est une mesure prudente. Non seulement la convocation de l'Assemblée entraîne des difficultés sérieuses d'ordre matériel, mais elle est toujours une cause d'agitation dans le pays, notamment quand il s'agit de procéder à des élections.
Il est donc préférable de simplifier le travail de l’Assemblée en l'autorisant à désigner, dès à présent, des conseillers suppléants, mais en ayant soin, en même temps, de spécifier que ces conseillers suppléants ne pourront siéger qu'en cas de vacances qui viendraient à se produire dans le Comité Exécutif.
2° Comme les lois et règlements dont il est question dans le deuxième paragraphe ne sauraient avoir qu'un caractère provisoire et d'une durée égale à celle du régime provisoire lui-même, la procédure indiquée dans le mémoire de l'Assemblée pour leur élaboration, leur approbation et leur exécution paraît la plus simple et la plus appropriée aux circonstances actuelles.
3° Pour laisser au Comité Exécutif toute la responsabilité du choix des fonctionnaires de la nouvelle administration, en même temps que pour lui accorder toute liberté d'action conformément au principe d’autonomie, les Consuls proposent de laisser au Comité Exécutif le droit de nommer tous les fonctionnaires, mêmes les Administrateurs Généraux, sous la seule réserve que la nomination de ces derniers, qui sont appelés à avoir des rapports plus directs avec les Commandants des Secteurs, sera soumise à l'agrément du Conseil des Amiraux.
Comme dans le Secteur italien, deux Provinces se trouvent réunies, celle de Sidonie et celle de Sphakia, il serait nécessaire pour ménager les susceptibilités et les intérêts de ces deux Provinces, que chacune d'elle ait un Administrateur Général.
4° En dehors des raisons exposées dans le Mémoire de l'Assemblée pour justifier la création d'une Cour d’assises, les Consuls croient devoir insister sur la nécessité de cette création.
Le bon fonctionnement de la justice criminelle ne peut être assuré que si la population prête son concours loyal à ses organes.
Les informations judiciaires ne peuvent donner des résultats sérieux que si les témoins déposent volontairement et consciencieusement ; l'arrestation des coupables n'est possible que si la population renonce à son habitude invétérée de cacher les criminels et de leur prêter secours.
Ces résultats ne pourraient être acquis si l'on imposait à la population une juridiction criminelle exceptionnelle, dont elle exagère peut-être les inconvénients, mais qui, en tout cas, l’éloigne d’une organisation régulière et normale.
5° Sans pouvoir entrer, dès à présent, dans les détails de l'organisation provisoire de la Gendarmerie qui, du reste, ne pourront être réglés définitivement que par le Commandant Supérieur de la Gendarmerie, les Consuls croient que l’on peut, en principe, accepter les propositions de l’Assemblée, en réservant aux Capitaines européens le droit d'avoir, auprès d'eux, un Lieutenant également européen et en spécifiant que la moitié des postes de sous-officiers devront être confiés à des Européens.
Les Consuls croient devoir attirer l'attention du Conseil des Amiraux sur les avantages qu'il y aurait à provoquer le plus tôt possible, la désignation des officiers européens qui devront faire partie de la nouvelle Gendarmerie.
6° Les droits de dîme ont été remplacés, dans la loi crétoise actuellement en vigueur, par un droit d'exportation.
Ce droit est perçu dans les villes au moment de l'exportation des produits. Il est encaissé par des fonctionnaires crétois nommés par le Gouvernement de l’île et non par la Sublime Porte.
Il y aurait donc lieu, en attendant la décision qui sera prise au sujet des Douanes, de s'assurer la disposition de ce revenu, qui est le principal revenu de l’île.
Les Consuls pensent que, dès les débuts du fonctionnement de la nouvelle administration provisoire, il y aurait lieu de créer à La Canée, une caisse dans laquelle seraient centralisés tous les revenus du pays pour être ensuite répartis suivant les nécessités du budget. Cette caisse sera bien entendue complètement distincte, et séparée de la caisse actuelle de l’administration ottomane.
Les fonctionnaires du service financier et du service de la caisse seront nommés par le Comité Exécutif ; les opérations de ce service seront contrôlées par un ou plusieurs délégués des Amiraux, et la garde de la caisse publique sera confiée au Commandant Supérieur international de La Canée.
Halepa, le 24 Juillet 1898
Annexe N° 4 au PV N° 136
Texte définitif des bases devant servir à l'établissement du régime administratif provisoire de l’intérieur de l’île
1° Mode d'élection du Comité Exécutif provisoire. Nombre des conseillers.
Le Conseil Exécutif devra être élu par l’Assemblée crétoise qui sera convoquée après la notification qui sera faite au Bureau permanent de l’Assemblée, des décisions prises par les Puissances.
Les membres du Comité Exécutif devront être au nombre de six dont le Président de l'Assemblée, Président de droit du Comité Exécutif, et cinq membres, un par Province, le Président, en cas de partage des voix, aura voix prépondérante.
En cas de révocation par les Amiraux, ou de démission de la totalité ou de la majorité des membres du Comité Exécutif, le Président doit convoquer l'Assemblée dans un délai de 20 jours, afin qu'elle procède à l'élection d'un nouveau Comité Exécutif ; dans l'intervalle, le Président continuera à gérer les affaires.
Le Président devra convoquer l'Assemblée chaque fois que les Amiraux le demanderont ; il pourra convoquer l'Assemblée quand il le jugera nécessaire mais dans ce cas, il devra indiquer aux Amiraux les motifs de cette convocation et demander leur autorisation.
Pour chaque membre du Comité Exécutif, il y aura un suppléant élu par l'Assemblée en même temps que les membres ordinaires. Le suppléant remplacera le membre ordinaire en cas de mort, de démission ou d'une absence prolongée non justifiée ou non autorisée.
Les conseillers suppléants ne pourront siéger qu'en cas de vacances qui viendraient à se produire dans le Comité Exécutif. Les vacances devront être notifiées au Conseil des Amiraux auquel on indiquera le nom ou les noms des conseillers suppléants qui entreront en fonction.
2° Les principes du fonctionnement du Gouvernement provisoire
Le Comité semblerait, au premier abord, ne devoir être chargé que d'administrer les parties de l'île obéissant actuellement l'Assemblée crétoise.
Mais comme il n'existe presque plus rien dans le pays en fait d’administration, et qu'il résulte des instructions adressées aux Amiraux que le désir des quatre Puissances est d'établir un régime, même provisoire, offrant des garanties d'ordre et de tranquillité, il est absolument nécessaire de jeter, tout au moins, les bases d'un règlement qui servira à l'administration provisoire de l'île.
Pour l'établissement de ce règlement il serait, d’après nous, opportun d'accorder au Comité Exécutif un certain droit d'initiative et de lui confier le soin de faire certaines propositions tendant à l'établissement de ce régime provisoire.
Les projets élaborés par ce Comité devraient être soumis à l’examen des Consuls, qui recevraient des Amiraux le mandat d'en discuter les termes avec le Comité Exécutif, et d'y apporter les modifications qu'ils jugeraient nécessaires.
Ce règlement, une fois achevé, serait soumis à la sanction des Amiraux et rendu, par une ordonnance du Président de l’Assemblée, applicable dans toutes les parties de l'île obéissant actuellement à l'Assemblée crétoise.
Le Comité Exécutif aurait également le pouvoir d'élaborer, en raison des besoins locaux, des lois et règlements provisoires.
Ces lois et règlements seraient soumis à l'examen des Consuls et à l'approbation des Amiraux, et rendus exécutoires par ordonnance du Président de l'Assemblée dans toutes les parties de l'île obéissant actuellement à l’Assemblée crétoise.
Administration
Dans chacune des cinq Provinces, le Comité Exécutif sera représenté par un Administrateur Général.
Dans chacun des 20 districts, il y aura un Administrateur qui relèvera de l'Administrateur Général de la Province.
L'Administrateur Général relèvera du Comité Exécutif.
Il devra tenir au courant le Commandant Supérieur du Secteur de ce qui se passe dans l'intérieur de sa Province et particulièrement, de tout ce qui troublerait la tranquillité publique.
En cas de désaccord, le Commandant Supérieur en référerait au Conseil des Amiraux et l'Administrateur Général au Comité Exécutif.
Le Comité Exécutif nommera tous les fonctionnaires de la nouvelle administration.
Toutefois, en ce qui concerne la nomination des Administrateurs Généraux, le Comité Exécutif devra soumettre les nominations faites par lui, à l'agrément du Conseil des Amiraux.
Justice
Création dans l'intérieur de tribunaux de paix, de tribunaux de première instance, d’une Cour d'appel pour les affaires civiles et d'une Cour d'assises pour les affaires criminelles constitués, autant que possible, conformément aux règles établies dans le projet de règlement du 15/27 Janvier 1897.
Les arrêts de la Cour d'assises sont, de droit, soumis à la révision du tribunal militaire international de La Canée, qui pourra casser l'arrêt ou modifier la peine et qui, dans ce cas, jugera d'après la loi crétoise.
Lorsque le tribunal militaire de La Canée siégera comme Cour de révision, on lui adjoindra un membre désigné par le Commandant militaire du Secteur où le crime aura été commis. Ce membre pourrait être, s’il le juge nécessaire, le Commandant du Secteur lui-même.
L’exercice du droit de grâce est réservé au Conseil des Amiraux.
La connaissance des crimes et délits commis contre les officiers, soldats et gendarmes du Corps d’occupation internationale est de la compétence exclusive du tribunal militaire international du Secteur.
Gendarmerie
Création d'une Gendarmerie dans laquelle peuvent être incorporés des éléments étrangers en raison des besoins du service.
Le Commandant Supérieur et le Commandant de la Gendarmerie dans chaque Province seront des Européens. Le cadre des officiers subalternes comprendra des officiers européens et des officiers indigènes.
Le cadre des sous-officiers sera composé par moitié de sous-officiers européens, et par moitié de sous-officiers indigènes.
Pour ne pas perdre du temps, l'organisation de la Gendarmerie pourrait commencer simultanément dans chaque Secteur en attendant la nomination du Commandant Supérieur.
La Gendarmerie sera sous la dépendance et à la disposition permanente des autorités civiles et judiciaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Mais au point de vue de la discipline, de l'instruction et de l'administration intérieure, elle sera sous les ordres directs de son chef.
Budget
Établissement d'un budget provisoire, indiquant le montant des sommes nécessaires pour assurer le fonctionnement de l'administration provisoire et indiquant le mode de perception des taxes, sous la surveillance et avec le concours de la Gendarmerie.
Contrôle
Un contrôle fait au nom des quatre Puissances sera établi sur les opérations aussi bien des recettes que des dépenses.
À bord de « l’Amiral Charner », le 25 Juillet 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
26 Juillet 1898
Berlin, le 26 Juillet 1898
Dans la visite que j'ai faite aujourd'hui au Baron de Richthofen, le sous-secrétaire d'État aux affaires étrangères m'a donné sa réponse à la démarche que j'avais faite auprès de lui conformément aux instructions que Votre Excellence m'avait transmises par un télégramme en date du 23 Juillet (n° 245).
Le Gouvernement allemand, désireux de maintenir l'attitude qu'il a cru devoir adopter dans la question crétoise, estime qu'il ne peut pas s'associer à une démarche officielle des Ambassadeurs des Grandes Puissances à Constantinople.
Mais comprenant l'intérêt qui subsiste à éviter tout ce qui pourrait agiter les esprits en Crète, et maintenant sa manière de voir sur le danger qu'il y aurait à laisser de nouvelles troupes ottomanes ou des relèves débarquer dans l’île, il charge son Ambassadeur à Constantinople, le Baron de Marschall, de faire une démarche personnelle auprès de la Porte et de lui exposer que le Cabinet de Berlin reste, sur cette question, parfaitement d'accord avec les 4 Puissances.
Signé le Marquis de Noailles.
28 Juillet 1898
N°428
Excellence,
J'ai l'honneur de faire savoir au Haut Conseil des Amiraux, que l'Assemblée a procédé aujourd'hui à l'élection des membres du Comité Exécutif, conformément au texte définitif des bases du nouveau régime provisoire.
Les membres suivants ont été élus :
E. Venizelos de la province de La Canée
G. Mylonojeannaki de la province de Sphakia
E. Zacharakis de la province de Rethymno
- Hadjidakis de la province de Candia
Le Comité Exécutif s'occupera pour le moment à l'élaboration du règlement de l'administration provisoire, prévue par le texte définitif des bases de ce régime.
Il n’entrerait dans ses fonctions administratives qu'après que les fonds nécessaires à la mise en mouvement et au fonctionnement régulier de l'administration soient assurées.
Veuillez agréer, Excellence, l'assurance de ma haute considération.
Le Président
Signé C. Sphakianakis